Quand je suis arrivé à Paris, à l'âge de vingt ans, j'étais, comme bien des garçons de mon âge, un jeune homme qui pouvait plaire (je m'en suis surtout rendu compte à Paris), mais peu dégourdi et sans culture aucune. J'avais lu deux ou trois livres, je dis bien deux ou trois, et ma connaissance de la musique classique se limitait à l'Ave Maria de Schubert et celui de Gounod, que mon professeur de chant m'avait fait découvrir en les chantant pour moi seul durant une pause au milieu d'une de mes leçons. J'ai cependant eu la chance de retrouver à Paris André D., artiste lyrique devenu principalement régisseur de théâtre, que j'avais rencontré à Montréal chez mon professeur de chant, et de faire immédiatement partie de son entourage parisien.
Or, André avait une amie d'enfance, dont il était très fier, qui avait réussi sa carrière et qui avait encore de très belles années devant elle. Cette amie, c'était Régine Crespin, qu'il appelait sa « Star », avec un grand « S » majuscule, dont il me parlait sans cesse, me faisant entendre ses disques quand j'allais le chercher en après-midi dans son appartement du boulevard Montparnasse. J'écoutais Régine Crespin, et plus je l'entendais plus j'aimais l'écouter.
Or, André avait une amie d'enfance, dont il était très fier, qui avait réussi sa carrière et qui avait encore de très belles années devant elle. Cette amie, c'était Régine Crespin, qu'il appelait sa « Star », avec un grand « S » majuscule, dont il me parlait sans cesse, me faisant entendre ses disques quand j'allais le chercher en après-midi dans son appartement du boulevard Montparnasse. J'écoutais Régine Crespin, et plus je l'entendais plus j'aimais l'écouter.
J'ai eu le bonheur d'aller l'entendre en concert, une seule fois. Elle y interprétait, si ma mémoire est bonne, des airs de concert de Berlioz ainsi que les Chants d'Auvergne, de Joseph Canteloube. J'étais sorti de ce concert tout à fait séduit par sa voix qui me semblait plus chaude sur scène que sur disque, par sa présence.
Voulant prolonger le plaisir de cette soirée de concert, je me souviens avoir alors cherché des disques sur lesquels je retrouverais ces mêmes airs, mais je n'en avais pas trouvé. Encore aujourd'hui, les disques de Régine Crespin sont rares chez les disquaires, il me semble. Je ne sais pourquoi, mais j'ai toujours eu le sentiment que la grande soprano française était moins appréciée à Paris qu'ailleurs dans le monde. De 1976 à 1992, je crois, elle a enseigné au Conservatoire de Paris. Elle avait fait ses adieux à la scène à l'Opéra de Paris, en 1989. Signe de sa réputation, on a créé en 1990 une rose nommée « Crespin ».
Voulant prolonger le plaisir de cette soirée de concert, je me souviens avoir alors cherché des disques sur lesquels je retrouverais ces mêmes airs, mais je n'en avais pas trouvé. Encore aujourd'hui, les disques de Régine Crespin sont rares chez les disquaires, il me semble. Je ne sais pourquoi, mais j'ai toujours eu le sentiment que la grande soprano française était moins appréciée à Paris qu'ailleurs dans le monde. De 1976 à 1992, je crois, elle a enseigné au Conservatoire de Paris. Elle avait fait ses adieux à la scène à l'Opéra de Paris, en 1989. Signe de sa réputation, on a créé en 1990 une rose nommée « Crespin ».
Il m'arrivait souvent de penser à Régine Crespin, parce que l'émotion de ce concert est restée bien présente en moi, mais aussi en souvenir d'André D. qui me l'avait fait connaître. Je ne sais pas ce qu'est devenu André car, un jour, il y a plusieurs années, une lettre que je lui avais adressée, à Paris, m'est revenue avec la mention « inconnu à cette adresse » (ou quelque chose d'équivalent).
Je n'allume jamais la radio, le soir ; depuis plusieurs jours, je n'allume plus la télévision non plus. Mais ce soir, au moment où je suis allé à la cuisine pour préparer quelque chose à manger, je ne sais pourquoi j'ai spontanément allumé la radio. J'ai aimé ce que j'entendais, sans savoir ce que c'était. Puis l'animatrice a révélé qu'il s'agissait de Régine Crespin, décédée ce jeudi, à Paris, à l'âge de 80 ans. C'était selon moi l'une des plus belles voix du XXe siècle.
Je n'allume jamais la radio, le soir ; depuis plusieurs jours, je n'allume plus la télévision non plus. Mais ce soir, au moment où je suis allé à la cuisine pour préparer quelque chose à manger, je ne sais pourquoi j'ai spontanément allumé la radio. J'ai aimé ce que j'entendais, sans savoir ce que c'était. Puis l'animatrice a révélé qu'il s'agissait de Régine Crespin, décédée ce jeudi, à Paris, à l'âge de 80 ans. C'était selon moi l'une des plus belles voix du XXe siècle.
13 commentaires:
Très beau témoignage que tu nous partages Alcib. J'ai déjà entendu le nom de Régine Crespin, mais je vais chercher un CD car j'ai maintenant l'impression de la connaitre un petit peu. Si je peux l'entendre, j'écrirai un commentaire sur sa voix.
Tu élargis encore mes connaissances
Merci
Merci, Lux. Si tu as sous la main un disque de Régine Crespin, c'est que déjà tu dois l'aimer un peu. Et si tu la découvres, je ne crois pas que tu en sois déçu. Je ne connais évidemment pas tout son répertoire ; je n'ai pas toujours la tranquillité nécessaire pour écouter du Wagner, par exemple, qu'elle a pourtant beaucoup chanté.
La disparition de quelqu'un vous touche toujours plus quand cette personne est liée à des souvenirs personnels.
Régine Crespin, je savais très bien qui c'était, mais je suis trop peu amateur d'opéra pour connaître sa voix.
La mort de Régine Crespin est en effet passée quasiment inaperçue en France, presque comme sa carrière... les autres pays l'ayant bien mieux honorée.
Pour les disques, les meilleurs restent à mon goût son interprétation des Nuits d'Été de Berlioz, couplées avec Shéhérazade de Ravel, chez Decca, à prix doux, un indémodable, insurpassable. Et évidemment la Walküre dirigée par Solti, où elle incarne l'une des meilleures Sieglinde, mais aussi celle de Karajan, pour Brünnhilde cette fois..
je crois qu'elle a eu un grand role comme professeur ou "donneuse" de master class
Je ne l'ai jamais entendue en "life"
Vincent, tu as raison, C'est d'abord par effection pour André D. que je me suis intéressé à sa « Star ». Mais après l'avoir entendue, surtout en concert, j'ai vraiment été séduit. Qu'y avait-il dans cette séduction ? Le timbre, la couleur de sa voix, bien sûr ; il y avait sans doute aussi la musique des airs de Berlioz, comme le souligne Simeric (c'est ce que je préfère de ce que j'ai pu entendre de la grande soprano).
Si André D. est toujours vivant, il doit être très triste aujourd'hui. En faisant une petite recherche sur Internet, il y a quelques semaines encore, je n'avais pas trouvé de trace à son sujet ; j'ai toutefois trouvé des traces du passage de Claude, son copain plus jeune, dans divers opéras en France.
Jusqu'à quel point faut-il remuer de loointains souvenirs ?
Bonjour Simeric ; ravi de te revoir ici, parmi les commentateurs. Merci du conseil. Ce que j'ai surtout cherché, sans les trouver sur disque, ce sont « les Nuits d'été » de Berlioz. Quant à Wagner, je ne sais pas si j'aurais envie de l'écouter assez souvent...
En effet, Brigetoun. J'apprends que, depuis 1976, elle s'est surtout consacrée à l'enseignement.
Pour les nouveaux, je veux ajouter que les commentaires de Simeric en matière de musique et d'opéra, notamment, sont des plus crédibles. Mordu de musique et d'opéra, de cinéma et de théâtre, ses billets et ses commentaires étaient des plus intéressants quand il tenait un blogue de grande qualité. Il a cessé de l'alimenter dans les mois qui ont suivi son installation à Montréal. Les occasions de concerts et de représentations théâtrale sont sûrement moins nombreuses à Montréal qu'à Paris...
Pour Simeric:
j'ai vu à plusieurs reprises maestro Solti à la TV alors qu'il faisait travailler de grands(es) chanteurs(euses), entre autre la soprano Maori Kiri Te Kanawa.
Quel grand directeur: énergique, dynamique, chaleureux et tellement précis dans ses commentaires. Très esthétique aussi dans ses gestes de direction. Je crois hélas qu'il est décédé... Dommage.
Sir Georg Solti est effectivement décdé, malgré des engagement qu'il avait encore pour plusieurs années après sa mort, peut être les a-t-il honoré ailleurs...
Je l'avais vu une fois en direct diriger des Noces de Figaro à Paris, il avait plus de 70 ans, j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi énergique, c'était très impressionnant.
Pour l'enregistrement des Nuits d'Ét chantées par Crespin, il était dirigé par Ernest Ansermet, un autre grand serviteur de la musique française, quoique Suisse. Il est en principe facilement trouvable...
Si le fait d'avoir des engagements n'empêche pas de mourir, je vais commencer à en prendre moins. Ça ne me permettra tout au moins de vivre avec moins de stress pour les années à venir.
J'ai téléphoné chez Archambault Musique ; il n'ont pas « les Nuits d'été » en magasin, mais ils vont m'en faire venir un exemplaire au magasin de la Place-des-Arts, que j'irai chercher quand ils m'appelleront pour me dire qu'il est arrivé. Merci encore.
Tout à fait d'accord avec Simeric pour ce qui concerne les Nuits d'été. Il existe aussi plusieurs disque de Crespin (au moins un en tout cas) composé d'airs de Wagner et Verdi.
Je me souviens avoir entendu cette grande chanteuse, à Paris, vers 1988 ou 89, dans La Dame de pique de Tchaïkovski. Sa voix n'était plus à son meilleur, mais elle compensait cette usure par un "métier" extraordinaire et une présence sur scène digne d'une tragédienne.
Malheureusement dans le même ordre d'idéee, je viens d'apprendre la mort de Beverly Sills le 2 juillet dernier, 3 jours avant Régine Crespin.
Elle était beaucoup plus connue en Amérique qu'en Europe, mais c'était aussi une sacrée personnalité, dans un répertoire très différent. Dure époque pour le chant lyrique...
C'est ici que j'apprends la mort de la diva. Il semble bien que France-Inter, ma source principale d'indo avec yahoo, en ai peu parlé.
Pour ce qui concerne la longévité, il me semble que le bouddhisme zen de Léonard le silencieux est meilleur que les engagements. Je songe plutôt comme lui à lâcher prise. Ceci dit, je ne suis pas sûr d'avoir envie de vivre très vieux
:-(
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