17 décembre 2005
Le Québec et la langue française sont en deuil ! Sol, le magnifique clown s'est éteint hier, en même temps que son créateur, le comédien Marc Favreau, à 76 ans, des suites d'un cancer virulent.
Créé dans les années 1950 pour la télévision, ce personnage de clown volait des ses propres ailes depuis 1972... Depuis 40 ans, Sol avait 40 ans ; on avait fini par oublier que son créateur prenait de l'âge : le vice et la laideur en moins, Sol était le Portrait de Dorian Gray de Marc Favreau, en somme. À 76 ans, ce grand enfant et ce rigoureux artiste qu'était Marc Favreau continuait d'écrire des textes qui amusaient peut-être les enfants, mais qui enchantaient surtout les adultes par la magie de sa langue.
Génie de la langue française au même titre que Raymond Devos et Jacques Prévert, Marc Favreau a reçu quelques reconnaissances officielles : le Conseil de la langue française lui a décerné, en 1989, la médaille de l'Ordre des francophones d’Amérique ; en 1995, il a été nommé Chevalier de l'Ordre national du Québec. Puis, en 1999, enfin, le prix Georges-Émile-Lapalme, soulignait sa contribution à l'amélioration de la langue française au Québec. Sa véritable reconnaissance, toutefois, c'est sans doute l'admiration et l'affection qu'il suscitait partout où il passait.
Je garde un souvenir ému de la dernière fois où je l'ai vu en personne ; c'était il y a deux ans, je crois : alors que je faisais des courses au Complexe Desjardins, centre commercial près de chez moi, je m'étais arrêté pour manger un peu avant de continuer ; j'avais eu la joie de voir venir vers moi le clown magnifique qui recueillait de l'argent pour les sans-abri. En lui remettant un peu d'argent, feignant la surprise je lui avais dit : « Sol, vous faites la manche, maintenant ! » En ce moment même, j'oublie la réponse qu'il m'avait faite, qui était tout à fait pertinente et tout à fait dans l'esprit du personnage...
Sol n'avait certes pas l'intention de prendre sa retraite, et son créateur non plus ; Marc Favreau préparait encore des spectacles pour le mois de février et il n'a jamais pensé un instant à cesser de créer des monologues ; sa créativité était sa source de vie.
Sol n'avait certes pas l'intention de prendre sa retraite, et son créateur non plus ; Marc Favreau préparait encore des spectacles pour le mois de février et il n'a jamais pensé un instant à cesser de créer des monologues ; sa créativité était sa source de vie.
La photo de gauche est de Yanick Macdonald
13 commentaires:
Tu me l'appreds. je suis tout chamboulé. Grosse perte pour l'Art... Quel grand créateur.
J'm'en souviens aussi. Mais c'est un souvenir d'enfance pour moi.
Souvenir d'enfance ici aussi, les deux pistolets ont animé gaiment mon enfance.
Devenue adulte, c'est avec un regard nouveau, ou une oreille plutôt, que j'ai redécouvert avec émerveillement ce grand personnage.
Parce que s'il avait un don extraordinaire ce Sol, outre celle d'être un grand virtuose de la langue, jouant des mots comme d'autres manient leur instrument, c'était de faire renaître en chaque adulte toute la joie et l'émerveillement propre à l'enfant qui découvre avec délices la splendeur du jeu.
C'était aussi de nous rendre à nouveau amoureux fous de cette langue si riche et si gracieuse, qui nous porte et qui nous berce.
Merci, monsieur Sol!
Merci de ce témoignage, Magique ; il est émouvant et il réveille en moi l'enfant qui ne voulait pas vraiment s'admettre la disparition du magicien... Comme pour Jocelyn, la nouvelle m'a saisi, bouleversé, mais je ne voulais pas vraiment m'abandonner à l'émotion... En fin d'après-midi, je me suis rendu au Complexe Desjardins, j'ai pris quelque chose à manger, je me suis installé à une table, près de celle où j'étais quand j'avais vu Sol qui « faisait la manche »... Toute la peine de sa disparition est remontée en moi. Certains êtres ne devraient jamais disparaître.
Je vois que l'émotion est à son comble. En France, je ne pense pas que la disparition d'un artiste nous bouleverserait autant. A quoi cela est du ? Nos artistes français marqueraient ils d'humanité ??...
Mince... quand j'ai appris sa mort sur Cyberpresse: j'y croyais pas et en temps normal j'aurais fait un billet un peu comme le tiens Alcib.
J'ai déjà parlé un peu de lui à plusieurs reprises. Je suis attristée moi aussi et je te rejoins: certains artistes ne devraient jamais disparaître mais il reste qu'il existe quelques livres avec les textes de ses spectacles solos.
Pour moi Sol... est le clown déroutant de mon enfance... je ne comprenais pas au début qu'il soit si misérable quand son acolyte avait tout pour lui. Lol!
Je coupe en deux parties, j'ignore à combien de caractères j'ai droit!
Ensuite j'ai vieilli et j'ai adoré Sol dans le même rôle pourtant à la télé. Plus tard ce fut l'engouement général sur ses spectacles solos.
Je l'ai vu en 99 je crois en Suisse. J'y ai amené mon chéri et 2 amis Suisses, bien sûr je riais un peu plus qu'eux mais les subtilités de Sol les rejoignaient aussi et j'avais trouvé ça formidable! J'étais allée le voir à la fin pour une dédicace et ça m'avait fait un choc de voir Favreau sans maquillage! Dans le sens que pour moi: il ne pouvait pas vieillir. Erreur!
Grande perte pour toute la francophonie. :(
Cyb, c'est peut-être à cause de la densité de la population française ; pour s'y faire une place, chacun doit affirmer plus fortement son individualité. Forcément, chacun songe plus à se distinguer qu'à s'identifier aux autres ; en caricaturant un peu, on pourrait dire que les Québécois sont plus grégaires que les Français (en cela - aussi-, je suis sans doute plus Français que Québécois). Nos artistes, nos « élites » sont donc plus près de nous ; il y a moins de distance entre eux et nous qu'entre vos élites et vous ; il y a chez nous une familiarité qui s'installe vite et, d'une certaine façon, les artistes et les personnalités font presque partie de la famille (avec les bons et les mauvais côtés que cela implique). Il faut dire qu'en étant moins nombreux, nos artistes sont souvent plus présents un peu partout dans notre quotidien, que ce soit à la télévision ou autrement. Et moi j'habite le Centre-ville ; tous les jours, je croise des artistes, des personnalités, québécoises ou étrangères...
Mais ce n'est pas vrai non plus qu'en France les artistes disparaissent dans l'indifférence ; pensons à Édith Piaf, à Coluche, à Montand, à Dalida, à... Tout dépend aussi du statut de l'artiste ; certains font presque l'unanimité, d'autres pas...
Il faut dire que Sol n'était pas seulement un magicien des mots ; derrière les mots qui faisaient rire, il y avait dans ses monologues toujours des messages : en faveur des démunis, des pauvres, des malades ; en faveur de l'environnement ; en faveur de l'engagement civique, etc. Sol était aussi une conscience sociale qui faisait réfléchir ceux qu'ils faisaient rire ; derrière l'humour, il y avait toujours matière à réflexion. L'humour n'était qu'un déclencheur ; dans les heures, les jours suivant un monologue de Sol, la réflexion se poursuivait chez ses spectateurs : il leur avait inséminé, s'il ne l'avaient pas déjà, une conscience sociale sur un sujet déterminé...
Et dans ce cas-ci, il faut dire que la nouvelle a surpris tout le monde, et l'intéressé lui-même. Bien sûr, il avait 76 ans, mais on l'imaginait toujours à 40 ans. Et lui-même ne se savait pas malade ; il a appris tout récemment qu'il était atteint d'un cancer très virulent. Personne n'a vu venir sa disparition si soudaine...
Merci Béo. Je suis touché à la fois par ce beau témoignage que tu nous offres et par le fait que tu aies choisi de le faire ici.
En effet, c'est une partie de notre enfance qui disparaît avec lui, mais aussi une partie de l'âme d'enfant qui nous habite encore...
Tu as raison de dire que c'est aussi une perte pour la francophonie ; je n'ai pas toujours suivi sa carrière à l'étranger, mais il est vrai que ses monologues pouvaient très bien traverser les frontières. Quand il parlait des « Oeufs limpides », il ne fallait que quelques secondes à qui que ce soit pour se rendre compte que le sujet était olympique... Et je crois qu'au cours des prochains jours, les institutions officielles, les organismes de promotion du français (c'est important au Québec), les médias, ne manqueront pas de souligner sa contribution à l'amérioration de la qualité de la langue... Quand on prend conscience que la langue peut être ludique à ce point, et que l'on peut aussi dire des choses intelligentes en s'amusant, les efforts qu'il faut faire pour apprendre la grammaire deviennent négligeables ; on ne pense plus qu'à l'activité jubilatoire... C'est vrai qu'en ce domaine, comme en d'autres, certains ont plus de talents que d'autres.
Quant à l'espace pour les commentaires, Béo, je crois qu'il est illimité, ici ; du moins jusqu'à ce que Blogger dise que c'est assez, que j'ai épuisé l'espace auquel j'avais droit ;o))
Comme vous avez remarqué, je me sens parfois à l'étroit dans certains espaces ; mais cela favorise la pratique de la concision.
Il m'est souvent arrivé aussi de croiser Marc Favreau, l'homme, dans la rue ou dans des magasins, dans des endroits publics (même à Paris) ; on le voyait souvent aussi à la télévision ; on pouvait donc constater qu'il prenait de l'âge. Mais lui se disait en forme et avait des projets comme s'il vivrait longtemps encore et, comme je le disais plus tôt, il n'a appris que tout récemment qu'il était atteint du cancer...
C'est peut-être mieux que le tout aie été fulgurant car je l'imagine mal, alité et diminué.
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